THESES DU CONGRES DE 1984 (I)

Theses 2e Congrès 84 .doc

PARTI DE L’INDEPENDANCE ET DU TRAVAIL

(P.I.T.-SENEGAL)

         

 

 

2ème CONGRES

DAKAR

28 – 30 septembre 1984

––––––

 

1ère Parti

Thèses d’orientation et de programme

Du P.I.T.-Sénégal.

 

 

              Préambule.

 

Voici plus de deux décennies déjà que notre peuple, au terme de bataille politique et démocratique héroïque, a imposé au colonialisme français le principe de notre indépendance nationale. Mais cette dernière a été vite confisquée et vidée de son contenu essentiel par la couche sociale que l’impérialisme avait réussi à placer à la tête de l’Etat, une couche sociale qui, par divers mécanismes d’accumulation tournant tous autour du détournement des richesses nationales et d’une spoliation toujours accrue des masses laborieuses, s’est progressivement constituée en une classe bourgeoise bureaucratique et parasitaire. Le mode de formation et de reproduction de cette bourgeoisie bureaucratique, en adéquation avec les nécessités et les mécanismes de protection et de consolidation des intérêts impérialistes au Sénégal, la politique antinationale et antisociale menée dans ce cadre par le régime UPS-P.«S», sur le fond d’une orientation capitaliste qui usurpe cyniquement la toge du « socialisme » pour sévir avec plus de cruauté encore, voilà les causes effectives de la situation désastreuse dans laquelle vit le Sénégal. Les traits les plus saillants de cette situation sont : l’installation de notre pays dans une crise qui ne cesse de s’aggraver de jour en jour en frappant brutalement les couches populaires, l’endettement chronique et une politique de mendicité internationale, une dépendance accrue à l’égard de l’impérialisme, l’implication de plus en plus poussée de notre pays dans les objectifs militaro-stratégiques de l’OTAN, des menaces de plus en plus sérieuses sur la paix et la sécurité de notre peuple, voire sur son existence.

 

              Cette situation n’est donc pas le fait d’une malédiction divine qui frapperait notre peuple. Elle n’est pas non lus une fatalité contre laquelle nous serions désarmés. Sa cause, c’est le pouvoir néo-colonial du capital étranger, de la bourgeoisie bureaucratique, compradore et des couches parasitaires qui gravitent autour d’elle. La solution donc, c’est la lutte pour une autre politique, qui passe nécessairement par la liquidation du pouvoir néocolonial en place, pour l’indépendance nationale véritable du pays, pour la défense, la consolidation et l’extension des acquis démocratiques, pour la pais, la justice et le progrès. Cet objectif appelle l’unité de toutes les Sénégalaises et tous les Sénégalais désireux de se mobiliser efficacement pour sa réalisation.

 

              C’est aussi l’expérience vécue par notre peuple de près d’un quart de siècle d’une politique d’orientation capitaliste qui nous conforte dans le sentiment qu’il est impossible de progresser dans l’édification d’un Sénégal libre, véritablement démocratique, pacifique et prospère dans le cadre d’un système économique et social qui repose sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Ce système a par ailleurs prouvé que loin de voir engager le pays dans la voie de la solution des graves problèmes de notre retard économique et de notre misère culturelle et sociale, il ne faisait au contraire que les aggraver. La crise du système capitaliste mondial au char duquel le pouvoir néo-colonial continue d’arrimer notre pays ne nous laisse aujourd’hui aucune perspective de développement économique indépendant, de liberté et de progrès social, dans le cadre du choix de classe du régime, celui d’une orientation capitaliste. C’est pourquoi dans les conditions concrètes du Sénégal, la liquidation complète de la domination impérialiste n’ira pas sans la rupture progressive avec les bases et les mécanismes capitalistes de cette domination ; elle est inséparable de la lutte pour une voie de développement non capitaliste, pour la création graduelle des prémisses objectives et subjectives de l’édification d’une société définitivement débarrassée de toutes les formes d’exploitation et d’oppression.

 

              Telle est la déduction de principe dont s’est aussi inspiré le IIè Congrès du P.I.T. pour proposer à la classe ouvrière, aux masses laborieuses, au peuple sénégalais ces Thèses pour orienter son action et donner les lignes directrices d’un nouveau programme à élaborer.

 

I.     Un nouveau programme de lutte pour l’Indépendance nationale véritable et la

Démocratie, pour la Paix et le Socialisme.

 

1.              Le Manifeste de 1957 du P.A.I. et son programme de 1962 furent les premiers documents de ce genre en Afrique de l’Ouest. Leur portée historique, objectivement irrécusable, tient à plusieurs faits. D’abord, longtemps après leur adoption, ils avaient continué à occuper une place unique dans cette partie du monde. Ils ont constitué aussi, à l’époque, une importante contribution des marxistes-léninistes africains et sénégalais à la mise en œuvre des idées de MARX, ENGELS et LENINE, dans notre continent. C’est dans leur sillage également qu’ont été semées les graines révolutionnaires qui, depuis lors, ont su germer et fructifier dans bon nombre de pays africains.

 

2.              Mais leur importance toute particulière, en tout cas pour nous communistes sénégalais, c’est qu’ils ont su doter la classe ouvrière sénégalaise et les masses laborieuses de notre pays d’un instrument précieux pour s’orienter dans leur lutte de libération nationale et sociale. Sous la bannière prestigieuse du marxisme-léninisme, en déployant sur la même banderole les idéaux de l’indépendance nationale et du socialisme, les communistes sénégalais ont écrit des pages glorieuses de l’histoire du Sénégal, dans le prolongement des meilleures traditions sénégalaise et africaines d’héroïsme, de patriotisme et d’amour de la liberté.

 

3.              Il reste que ces documents, en particulier le Programme de 1962, avaient des défauts. Il y avait d’abord un certain manque de précision dans les formulations, des commentaires et des détails superflus et surtout le caractère par trop général et abstrait de l’analyse, qui laissait dans l’ombre bon nombre de données importantes de notre réalité concrète dont l’élucidation et la prise en compte auraient pus nous éviter beaucoup d’erreurs et d’errements commis par la suite. Nous n’avions pas suffisamment mis en relief le caractère et le contenu de l’étape ni accordé toute l’attention nécessaire au problème des étapes intermédiaires, aux alliances qu’elles supposent, aux formes de lutte spécifiques qu’elles exigent. L’essence et le caractère de notre époque, avec les déductions que nous pouvions en tirer pour ajuster au mieux notre stratégie et notre tactique n’étaient pas suffisamment éclairés dans le document. Il est frappant à cet égard de constater que les concepts de « voie de développement non capitaliste »,  d’  « orientation socialiste », bien que d’essence profondément léniniste, y faisaient défaut (il est vrai qu’à l’époque, même dans l’ensemble du mouvement communiste international, ils étaient insuffisamment élaborés).

 

4.              Dans notre pays même, parlant même de la classe ouvrière, nous en avions encore une connaissance abstraite, livresque ; en dehors de quelques considérations par trop évidentes, la réalité concrète du monde ouvrier, nous échappait. Nous avions aussi, à l’époque, insuffisamment pris en compte le caractère essentiellement agraire du Sénégal, ce qui s’est traduit par l’inexistence, pendant longtemps, d’un programme agraire et par l’ignorance de la lace fondamentale qui, à la lumière des conditions concrètes de notre pays, devait être assignée à la paysannerie dans notre lutte.

 

5.              Sur le plan politique, nos propositions revues rétrospectivement semblaient être guidées par de simples préoccupations d’agitation, sans nous soucier tellement de chercher des solutions réelles et crédibles, seules susceptibles pourtant de mettre en mouvement les masses de manière profonde et durable.

 

6.              Par ailleurs, notre Premier Programme ne reflétait pas une claire perception des immenses difficultés que devait comporter nécessairement notre entrepris, de l’ampleur des tâches qui nous attendaient dans ce cadre. Au contraire, nous avions tendance à sous-estimer l’influence réelle du parti bourgeois sur les masses, les capacités objectives de manœuvre des nouvelles classes dirigeantes ; nous ne tenions pas non plus suffisamment en compte tout l’intérêt que l’impérialisme accorde à notre pays compte tenu du rôle important qu’il lui assigne dans sa stratégie d’exploitation et d’oppression des peuples africains. Nous ne tenions pas, également, suffisamment compte de tout le poids des structures traditionnelles et de leur impact sur les consciences et les comportements des larges masses dans notre travail d’organisation et de propagande.

 

7.              Tout cela a débouché sur des erreurs, voire sur des fautes fatales dont la moindre n’a pas été de n’avoir pas su faire montre, à l’époque, de patience pour prendre le temps nécessaire à l’éveil et à l’éducation des masses, à leur encadrement dans une organisation solide et capable de les conduire efficacement à travers toutes les péripéties de la lutte des classes. Du reste, les conséquences de cette impréparation politique et organisationnelle ne se sont pas fait attendre. Non seulement elle a conduit le Parti à des actions et des méthodes de lutte erronées parce que sans aucune correspondance avec le niveau de conscience, d’organisation et de combativité révolutionnaire des masses, mais encore lorsqu’une violente répression s’est abattue sur le Parti, ce dernier s’est difficilement adapté à la situation, bien que le pouvoir n’ait jamais réussi à interrompre notre activité communiste organisée. Nous nous sommes engagés dans des actions dont nous avons été incapables des prévoir et de contrôler toutes les conséquences.

 

8.              Bon nombre de ces erreurs et de ces fautes s’expliquaient par l’immaturité théorique, politique et idéologique de la direction de l’époque qui, plus est, était confrontée avec l’originalité et l’ampleur d’une entreprise qui ne pouvait se prévaloir d’aucun antécédent historique comparable dans notre continent et dans notre pays. Mais ces erreurs et ces fautes entraient aussi parfaitement en résonance avec la composition sociale du Parti où prédominait largement la petite bourgeoisie intellectuelle, et même à l’intérieur de cette dernière, l’intelligentsia universitaire qui ne pouvait être totalement épargnée par la perception qu’elle avait de son rôle est de son avenir dans la société sénégalaise à l’époque.

 

9.              Ces erreurs et ces fautes ont été aggravées, chemin faisant, par l’irrespect des normes léninistes de fonctionnement démocratique pourtant vitales pour un Parti comme le nôtre, en particulier par le culte de la personnalité et le style de direction personnaliste de l’ancien secrétaire général Majmouth DIOP, par les conséquences fatales qu’ont eues, pour l’unité idéologique, politique et organisationnelle du Parti, les thèses révisionnistes qu’il ne cessait de greffer à la suite de retouches successives opérées de son propre et unique chef, dans le texte du programme de 1962.

 

10.        C’est précisément dans ce contexte d’accumulation de fautes, d’erreurs politiques, de violations des procédures léninistes de prises de décisions que le Parti fut engagé, à partir de fin 1963, dans une perspective de lutte armée, à partir de conclusions sommaires tirées de quelques violence politico-religieuses, des déceptions provoquées par les truquages aux élections législatives de décembre 1963. Sans tenir compte du succès des manœuvres de désagrégation et d’intégration développées sur toute la ligne par la classe dirigeante en direction de larges secteurs de l’opposition. Cette décision aventuriste est d’autant plus condamnable qu’elle ne fit l’objet d’aucune discussion, même dans ses grandes lignes, au Comité Central. Alors qu’elle était déjà en  voie d’exécution, la 24e Session plénière du Comité Central (qui adopte une politique autrement plus réaliste sur une série de questions centrales et qui ne tint dans la période) n’en fut même pas informée. La banqueroute de cette politique marqua un tournant qualificatif dans les répressions sauvage. Celle-ci précipita, en l’aggravant, la crise dans le Parti.

 

11.        Ce sont donc les limites du premier Programme du Parti, les insuffisances accusées dans l’action que nous avons menée sur cette base (action que nous ne considérons pas, pour notre part, comme ayant été entièrement négative), enfin les nouvelles données de notre situation nationale et internationale qui appellent un réajustement de notre stratégie et de notre tactique sur la base d’un programme plus adapté à la réalité concrète du Sénégal d’aujourd’hui ; c’est tout cela qui rendait nécessaire l’élaboration et l’adoption d’un nouveau programme.

 

12.        Ce fut le mérite historique de la Conférence Nationale Rectificative de 1967 que d’avoir décidé des mesures de sauvegarde révolutionnaires pour procéder à la reconstruction du Parti sur des bases léninistes, de couper court aux projets de liquidation révolutionnaire de Majhmouth DIOP et de réduire à néant les espoirs de la classe dirigeante sur la disparition à terme de l’activité communiste organisée au Sénégal. C’est à partir de cette conférence qu’une patiente réflexion sur les tâches immédiates et à long terme du Parti, fut mise en mouvement, que surtout fut introduite dans l’horizon du Parti, la dimension essentielle de la lutte pour les libertés démocratiques et l’unité des forces patriotiques.

 

13.        L’Appel au peuple sénégalais lancé par le IIè Congrès de 1972 comblait déjà en partie bon nombre de lacunes du premier Programme du Parti, de même que le Rapport adopté à ce même congrès. Il se distinguait en particulier nettement par son caractère concret, réaliste et opérationnel, en mettant en avant des exigences perçues à l’époque comme les plus brûlantes par les masses, en proposant des solutions responsables dont la vie n’a pas manqué de révéler toute la justesse (puisqu’elles ont été prises en compte, en partie ou en totalité, par tous les programmes des partis d’opposition depuis lors au Sénégal, mais aussi parce que des questions comme celles des libertés et de la démocratie sont très vite passées au premier plan et le pouvoir a été contraint par le mouvement populaire de jeter du lest), en appelant les masses à s’organiser, à se mobiliser et à lutter pour imposer ces solutions. L’Appel de 1972, malgré l’aide précieuse qu’elle a constituée, restait dans les limites d’un programme démocratique général et n’avait pas d’autres ambitions que de favoriser l’émergence d’un large front des forces patriotiques et démocratiques pour faire avancer la lutte anti-impérialiste pour l’indépendance nationale et la démocratie au Sénégal. Il n’avait donc ni la vocation, ni l’ambition de tenir lieu d’un programme arciculéf de lutte pour le socialisme dans les conditions concrètes du Sénégal bien que sa réalisation eût ouvert de larges perspectives à cette lutte.

 

14.        Il en était de même pour notre programme d’action de décembre 1980. Publié à l’occasion de la manœuvre opérée par l’impérialisme à la tête de l’Etat, avec le remplacement de SENGHOR par Abdou DIOUF (manœuvre qui visait à dévoyer l’aspiration au changement, son objectif était d’éclairer la situation pour couper court aux illusions. A ce titre, il avait un rôle limité.

 

15.        La XVIIIè Session de mai 1981 (la dernière session sous le sigle du PAI-Sénégal) a pris deux décisions de portée politique majeure :

­        Le retour du Parti à l’activité légale sous le sigle du Parti de l’Indépendance et du Travail, après vingt et un ans d’interdiction ;

­        Et la tenue en août 1981 du Congrès constitutif. Ces dernières décisions ont porté un coup fatal au complot  constitutionnel qui tendait à enfermer le Parti dans une lutte dérisoire de sigle et à conforter le groupe liquidateur qui a usurpé, avec le soutien du pouvoir, le sigle PAI.

 

16.        Bien que de portée plus large, notre Programme électoral de février 1983 était aussi limité dans ses objectifs. Partant de l’idée que la révolution n’était pas à l’ordre du jour, qu’elle ne constituait pas en tout cas le sens de la confrontation électorale de l’époque, ce programme se bornait à proposer des mesures concrètes susceptibles de sortir le pays de la crise et de s’engager dans la voie du changement véritable auquel aspire ardemment notre peuple. L’idée force de ce programme, c’était pourtant que ce changement véritable n’était pas envisageable sans la liquidation du pouvoir de classe de la bourgeoisie bureaucratique, parasitaire et corrompus, dont le mécanisme d’accumulation, de formation et de reproduction constituent la gangrène principale qui empêche d’aller de l’avant. Sous ce rapport le Programme de Février 1983 était un véritable programme de rupture. Il garde pleinement son actualité et sa pertinence, sous réserve d’être mieux réarticulé à notre perspective stratégique fondamentale, celle de la Révolution Nationale Démocratique comme étape vers le socialisme.

 

17.        La place primordiale accordée dans notre programme électoral de février 1983 (à la suite d’ailleurs de tous les documents importants publiés par notre Parti depuis un certain temps) aux problèmes paysans et agraires s’éclaire de plusieurs considérations. Elle reflète sans doute l’extrême sensibilité de notre Parti, le Parti de la Classe ouvrière et des couches laborieuses urbaines et rurales, à l’enfer créé par la politique du P  « S » à nos compatriotes paysans et au détriment de l’intérêt bien compris de l’ensemble de la nation.

 

18.        Mais cette place traduit aussi notre conviction que la question décisive de la Révolution sénégalaise à son étape actuelle, la question dont la solution correcte conditionne toute possibilité ultérieure de progrès, c’est comment mobiliser les masses rurales et les impliquer plus activement dans la lutte à côté de la classe ouvrière et des autres couches et classes sociales progressistes. C’est la nécessité de résoudre correctement cette question que débouche toujours, en dernière instance, l’examen des contradictions majeures qui agitent aujourd’hui notre pays, qu’il s’agisse de la lutte pour l’indépendance politique et économique, de la lutte pour un développement orienté dans le sens de la promotion économique, sociale et culturelle des masses laborieuses, qu’il s’agisse enfin de la lutte pour débarrasser la société de toutes les pesanteurs idéologiques et culturelles anachroniques qui entravent l’expression libre et optimale des potentialités créatrices de notre peuple.

 

19.        Enfin une perception correcte de la question agraire et paysanne, la juste solution de cette question détermine la possibilité de réaliser et de consolider l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie sénégalaise qui constitueront les forces sociales décisives dans notre lutte anti-impérialiste.

 

20.        Cette place se justifie du reste à l’examen objectif et lucide de la réalité concrète de notre Pays. Le Sénégal est en effet une société à dominante agraire, avec une structure économique capitaliste « sous-développée », caractérisée, entre autre, par la coexistence de plusieurs mode de production de différents ages et ou prédominent les rapports petits-bourgeois marchands, une société dominée dans toutes ses sphères vitales par le capital étranger, la bourgeoisie compradore libano-syrienne et les couches parasitaires gravitant autour de ces classes.

Cette caractéristique de notre pays apparaît d’abord de manière très nette à travers l’analyse sectorielle de sa structure économque.

 

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